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Nataq-2005
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  Toi tu es ce soleil aveuglant les étoiles.
Quand tu parles au mourant, sa douleur est si douce.
Pour trouver le ravage et tuer l’animal,
Pour trouver le refuge, tu es mieux que nous tous.
Nataq

Je dis que je ne peux rêver la vie sans toi;
J’ai mémoire des eaux où je me suis baignée.
Maintenant que je vis, que je rêve à la fois
Tout mon être voudrait que tu sois le dernier.
Nataq

Je ne veux pas mourir sur ce rocher accore,
À la vue des autres, abusée par les dieux.
Il n’y a pas de fleurs pour jeter sur mon corps
Et qui donc frappera le tambour de l’adieu?

Je te le redis : je te suivrai dans la fosse
Mais je veux de la terre, ô Nataq, tu m’entends?
Si cela te convient, si la vie nous exauce,
Nous serons ensemble jusqu’à la fin des temps.

Mais je suis si inquiète; la lumière retarde
Un peu plus chaque jour, ton silence m’opprime.
Ouvre les yeux et vois que les loups nous regardent;
Ils ont déjà choisi : le moment, la victime.

Et voilà que s’échappe dans ce ciel obscurci
Le souffle du shaman étranglé de remords.
Vois, il tremble de peur et ses doigts sont noircis.
Et pendant que je t’aime, il appelle la mort.

Si la mort se hasarde à souffler jusqu’ici
Dans ces brumes finales où s’achève le monde,
Sois certain qu’elle ne viendra pas que pour lui;
Cachons bien nos blessures, elle s’en vient pour le nombre.

Ô Nataq bien-aimé, moi mon coeur a conclu :
Moi je meurs de mourir dans ce funeste camp.
Oui, nous sommes perdus comme nul ne le fut.
Oui, nous sommes perdus, mains encore vivants!


Ouvre les yeux et vois cette nuée d’oiseaux
A l’assaut de la mer inconnue. Où vont-ils?
Moi je dis que là-bas, il y a des roseaux.
Allons voir! allons voir! Je devine des îles

Où le jour se lève, me nourrit et se couche
Sur des plumes divines et des cavernes sûres.
Il y aura de l’eau, chaude comme ta bouche
Pour accoucher la fille et fermer sa blessure.

À ton signe, à ta voix, recueillis sous tes lances,
Des troupeaux de bisons réclamant sacrifice.
Et quand éclatera la lune d’abondance,
Des orages de fruits pour que vive ton fils.

Ton destin est le mien; nous ne mangerons plus.
Nous irons frayer aux savanes intérieures
Et tu t’enflammeras mon désir pur et nu.
Que je hurle ta joie, que tu craches mon coeur!

Et si par miracle nos prières parviennent
À calmer ces dieux fous que la douleur fascine,
Je n’accepterai pas que l’un d’eux me ramène
Où j’ai pleuré du sable et mangé des racines.

Je ne retourne pas sur les lieux anciens,
Sous les lois de guerriers débouchant aux clairières,
La mémoire brûlée, le flambeau à la main.
S’il me faut retourner, je retourne à la mer.

Je suis jeune Nataq, comme un faon dans l’aurore
Et la vie veut de moi et voudrait que tu viennes.
Réveillons la horde, je l’entends qui l’implore!
Attachons les épaves aux vessies des baleines.

Nous serons les premiers à goûter aux amandes.
Traversons, traversons! Amenons qui le veut.
Aime-moi, aide-moi! Mon ventre veut fendre.
Je suis pleine, Nataq : il me faudra du feu.

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